Un jeune homme un peu frêle, fou à en mourir, c'est un peu quelqu'un que je connais, il passe son temps à écrire sa vie sans y penser vraiment.
C'est assez troublant, en ce moment, la manière dont je suis perdu au beau milieu de ma vie. Les jours défilent dans la peur malsaine qu'il arrive quelque chose, sans qu'il n'arrive jamais rien. Je vois des amis, je fais des soirées arrosées, j'ai vu à un concert l'autre soir, et tout ça ne m'amène presque rien. Seulement peut-être le soulagement de m'être perdu pendant deux heures dans le son de sa contre basse, mais si peu, finalement. Les émotions m'arrivent comme faibles, en demi-teintes, et je reçois aussi peu de joie que de peine dans ce que je fais. Tout semble noyé, fade et sans saveur. Je vois sans regarder et je parle sans écouter. Je pleure.
Il est resté là un bon moment, sans rien dire, les yeux perdus sur la ligne d'horizon. J' ai senti sa présence, j'ai relevé mes prunelles vides jusqu'à lui, mais je n'ai pu trouver son regard. J'ai attendu ses paroles sans qu'elles ne m'atteignent vraiment. Silences.
C'est bizarre, tu t'éloignes et je m'aperçois que quand tu n'es pas près de moi, j'ai du mal à voir la vie sans un trou au coeur. Alors je m'enferme dans une bulle protectrice faite de musique. Comment te faire revenir?
Après quoi, je cours, comme d'habitude. Derrière quoi, j'en sais rien, personne ne saurait dire. Mais je cours. A perdre haleine. Je vais gagner.
Et puis il y a Elle. C'est son sourire, surement, qui m'a toujours troublé.
Merde, c'est ce foutu regard qui me fout à poil à chaque fois, c'est tes yeux qui me dévisagent comme si tu allais rire,
tout le temps, là, comme ça, pour rien.
Et arrête d'être aussi belle, putain.
C'est cette façon que tu as de passer ta main dans tes cheveux dorés, avant de me regarder en souriant, toujours plus décoiffée et sublime qui me tue. Admirant l'infini fragilité de tes mains, elles s'animaient dans une grâce cadavérique; tristesse personnifiée dans la douleur de tes doigts crispés.
Reviens courir sur le sable comme une gamine, éclate de rire, tire la langue. Regarde moi. Tu me transperces de ces deux yeux si profond qui m'ont tués, qui m'ont ignorés, qui m'ont aimés.
Mais aujourd'hui tu n'es plus là. Mais aujourd'hui, je me suis allongé contre de toi et tu n'as pas bougé. J'ai observé ton visage blême et absent. Enfin, tu t'es levée, plus mince encore que la dernière fois que je t'ai vue. J'ai peur, tu m'effraies comme tu m'envoute. Tant de souffrance dans ce corps fantôme qui ne peut marcher qu'avec difficulté. La chorégraphie macabre de tes pas comme lente représentation sinistre des maladies autour de toi.
Près de toi, impuissant, je hais mes souvenirs. Je les hais de n'être qu'à moitié précis, de devenir flous, d'échapper à notre mémoire et de danser avec nos sentiments. Je les hais de s'embellir et de se fausser. Je les hais de disparaître ou de nous hanter. Je hais les souvenirs parce qu'ils sont beaux, qu'ils me rappellent que tout est terminé, que ce que je recherche à été tiré en arrière, avalé par la nuit noire.
J'aurais du prendre ton visage dans mes mains. Te dire de belles phrases qui te fassent rêver.
Mais j'en ai été incapable. Excuses-moi, je t'en prie. Ton indifférence augmente mes peines et mon chagrin.
Mais moi je t'aime, et je veux serrer ton corps trop maigre entre mes bras protecteurs.